Rédaction Jacques Carbonneaux - Avril 2012
Quéguiner Jumbo Pan Coupé
- Largeur au sillet : 45 mm
- Table : Épicéa de Sitka
- Dos et éclisses : Palissandre Indien
- Manche : Acajou du Brésil et érable ondé
- Touche : Ébène
- Chevalet : Palissandre de Rio
- Mécaniques : Gotoh 510 à boutons ébène
Les guitares Quéguiner
C'est avec beaucoup d'émotion et de plaisir que je vous propose aujourd'hui le banc d'essai d'une guitare de l'un de nos plus grands luthiers : Alain Quéguiner !
"Émotion" car ma rencontre avec Alain a donné naissance à ma passion pour la guitare, la belle guitare mais aussi à laguitare.com.
C'est donc un hommage que je souhaite rendre à celui qui représente la fine fleur de la guitare à cordes acier et qui est un exemple et une référence pour les
nouvelles générations.
Étant l'heureux propriétaire d'un modèle Jumbo Quéguiner, je ne me suis jamais vraiment senti de faire un test de l'une de ses guitares, mais à force d'entendre et
de voir les nouveaux modèles sortir de son atelier, je me suis dit que je devais partager avec vous le travail de ce grand luthier. Avant de commencer, je tiens à remercier chaleureusement
l'heureux propriétaire de cette Jumbo Pan Coupé qui a eu la gentillesse de me laisser son bébé pendant une semaine. Merci Faouzi, un grand merci à toi !
Alain doit être le seul luthier en guitares folk à refuser de réaliser des Dreadnought. Ce point m'avait marqué la première fois que je l'avais contacté en 1997 car
c'est cette forme que je souhaitais. N'étant pas à l'époque aussi connaisseur en guitare, j'ai fermé les yeux et j'ai fait mon choix parmi les formes qu'il me proposait.
Je ne l'ai pas regretté !
La production d'Alain Quéguiner tourne autour de trois formats : Jumbo, Super-Jumbo et Studio. L'OM est un modèle qu'il ne souhaite plus produire.
Sa forme de prédilection est la Jumbo qu'il a dessinée lui même et qui est la guitare la plus polyvalente de sa fabrication.
Si vous désirez une Quéguiner, il vous faudra patienter, à ce jour, 30 mois !
La notoriété de son travail est ancrée depuis plusieurs années et travaillant seul sans apprenti ou salarié, l'attente pour avoir une guitare sur commande
est de plus en plus longue.
C'est l'équation que je souhaite à tout luthier !
Lutherie
Pour les bois, nous sommes sur du classique : Épicéa
Pour la table c'est un magnifique sitka avec des veines assez espacées et régulières comme vous pouvez le constater sur la photo ci-dessous.
Le propriétaire de la guitare a souhaité ne pas teinter la table qui garde ici son aspect naturel et dont on peut apprécier les superbes moirures.
La rosace est un assemblage de purfling et de nacre d'Abalone, tout comme le tour de table. Le travail de marqueterie d'Alain Quéguiner est du grand art.
Même si je considère Franck Cheval comme le maître incontesté en la matière suivi de près par Beaujouan, Coufleau ou Fejoz, Alain a le don de réaliser
un travail de marqueterie aussi beau que discret.
Tout est ici finesse et beauté. La qualité de la nacre est incomparable par rapport aux guitares Martin par exemple.
Comme il est indiqué sur son site internet : "Les abalones utilisées (verte, rouge ou Paua) dans les incrustations proviennent exclusivement du coeur des coquillages.
Les couleurs y sont beaucoup plus intenses."
C'est un paradis pour les yeux et croyez moi, vous ne regardez pas votre guitare de la même façon lorsqu'elle est vêtue de la sorte.
Palissandre Indien et de Rio
Dos, éclisses sont réalisés dans un palissandre Indien de toute beauté mis en valeur sur le dos par un filet en nacre et sur le tour de caisse par un filet en érable ondé
qui est sans comparaison bien plus beau que ce vulgaire plastique que l'on retrouve sur certaines guitares folk.
La plaque de tête et le chevalet sont en palissandre de Rio. La tête des guitares Quéguiner est très reconnaissable.
Elle s'est affinée dans le temps et par rapport aux anciens modèles.
Le veinage du rio sur la tête est sublime avec le logo Quéguiner en nacre, un purfling discret en tour de tête et avec deux oiseaux en nacre incrustés.
Acajou et Érable pour le meilleur
Depuis plusieurs années Alain propose des manches en trois parties avec un acajou sud-américain et une âme centrale en érable ondé.
Ceci a pour conséquence d'avoir un manche plus dense, avec plus de tenue de note et de sustain.
En plus de l'aspect sonore, un manche en trois partie apporte un caractère visuel très fort qui se marie parfaitement avec le tour de caisse, de touche et la plaque du talon en
érable ondé également.
Comme je le fais dorénavant pour chaque test, j'embarque une petite caméra dans le corps de la guitare afin de vous y faire découvrir en vidéo le coeur de l'ouvrage du luthier.
Le système Fishman installé sur ce modèle ne permet pas d'avoir une vue dégagée compte tenu des câbles qui se baladent de partout et qui ont souvent comme
inconvénient de provoquer des bruits parasites lorsque l'instrument est joué.
Pour en revenir à la lutherie de cette Jumbo, Alain m'a confié avoir allégé la plaque de renfort du chevalet. Ce genre de modifications se fait progressivement,
guitare après guitare. Le luthier tend à minimiser la masse des barrages et de toutes les pièces qui sont collées à la table d'harmonie afin de la brider le moins
possible.
L'une des choses les plus difficiles est de trouver le compromis idéal entre la contrainte de l'effet de levier du chevalet induit par la tension et l'angle des cordes et la
nécessité de laisser la partie vibrante de la table la plus libre possible.
Il faut donc renforcer la table grâce aux barres et plaques de renfort et en même temps minimiser au mieux la masse de chacune de ces pièces.
Mise à part la diminution de la masse de la plaque de renfort du chevalet, Alain Quéguiner ne touche plus ni à la table ni au barrage en X allégé depuis qu'il a
trouvé son compromis idéal. Dans une architecture aussi complexe que celle d'une table d'harmonie, modifier un seul paramètre peut remettre en question tout l'équilibre
précédemment élaboré.
Le son des guitares Quéguiner est là dans ce barrage qu'il a mis plusieurs années à concevoir et à reproduire sur chacune de ses oeuvres.
Il n'est donc pas étonnant de retrouver le son de ma Quéguiner de 1999 dans cette Jumbo de 2011.
Ébène
La touche en ébène a pour repères des petits oiseaux en nacre qu'Alain propose systématiquement à ses clients.
Discrets et de très bon goût, ils sont nettement plus gracieux que la plupart des repères de touche.
Pas de cheville chez Quéguiner
Il est rare de voir un chevalet sans chevilles mais chez Quéguiner vous ne verrez que ça !
Sur la photo, les cordes sont bloquées à l'arrière du chevalet et ne traversent pas la table.
Cette technique a pour avantage d'être plus esthétique, plus pratique pour le changement de cordes et surtout d'éviter au chevalet de se fendre.
Le système à cheville par contre, développe un angle plus prononcé et donc plus de pression et de dynamique, ce qui est (en théorie) meilleur pour le son.
Cependant à entendre une Quéguiner sonner, on n'a pas à regretter l'absence de chevilles !
Confort
Le manche a une largeur de 46 mm au sillet de tête et un profil en "D" un peu plat.
Comme je l'ai déjà écrit dans l'article de la Martin D-28 dans lequel je parle de ma Quéguiner Jumbo, ce manche est très confortable mais plus large comparé
au standard 43 mm (1 11/16") de chez Martin.
Les mécaniques Gotoh 510 sont précises et ont l'avantage d'avoir sur la tête une vis qui vous permet de régler la dureté de l'enroulement et du déroulement de la
corde.
La caisse de forme Jumbo Quéguiner n'est pas moins confortable qu'une Dreadnought car si elle arbore des formes rondes et généreuses, elle en garde plus ou moins les même
dimensions et donc pratiquement le même volume. Elle est d'ailleurs moins profonde qu'une D-28 classique par exemple.
Je précise qu'il ne faut pas confondre avec une forme de type J-200 qui est proposée chez Quéguiner avec son modèle "Super Jumbo".
On est ici sur un format qui est assez confortable et qui ne fatigue pas au bout de plusieurs heures de pratique, même s'il reste imposant pour des personnes de petite taille.
Le son
Le son est à l'image de la lutherie Quéguiner. Malgré sa jeunesse, l'instrument dévoile toutes les qualités d'une grande guitare.
Les points forts de cette guitare comme pour toutes celles d'Alain sont : la précision, l'équilibre, la projection et la personnalité sonore.
La précision est présente sur tout le manche et quelle que soit l'attaque adoptée.
L'équilibre de cette guitare lui permet d'être particulièrement polyvalente.
La projection est imposante que vous jouiez en finger-picking, en blues, en folk ou en jazz.
La personnalité sonore est une chose que j'ai pu constater en comparant mon modèle à ceux qui sortent régulièrement de l'atelier d'Alain.
Il est difiicile de mettre des mots sur un son mais pour reprendre mon autre passion, celle du vin, je dirais que cette guitare a du gras et développe des sonorités boisées
dès qu'on la sollicite nerveusement et d'autres plus veloutés quand on la caresse délicatement d'un bel arpège aux doigts.
Ce que je retrouve rarement avec d'autres guitares c'est ce changement de sonorité quand on l'attaque en strumming très, très énervé.
Au lieu d'avoir les basses qui tournent et le reste qui se perd dans un vomi de notes, on obtient avec cette Jumbo un autre son, plus puissant, qui prend alors une toute autre personnalité,
plus boisée et plus sèche.
La tessiture sonore des guitares Quéguiner est unique ! Le couple épicéa/palissandre nous offre des basses (même si elles sont encore légèrement
fermées de par sa jeunesse) rondes et profondes, des médiums puissants et des aigus que je trouve sur ce modèle plus cristallins et perlés que sur le mien.
Conclusion
Dans la guitare folk traditionnelle, le savoir-faire des luthiers français avec sur le podium, entre autres Alain Quéguiner, est sans conteste devenu l'un des plus aboutis au monde.
Pas besoin d'aller voir ailleurs, vous avez ici même en France la fine fleur de la lutherie artisanale.
Si je devais comparer la guitare au vin, les Etats-Unis et autres pays (Australie, Afrique du Sud etc...) ont prouvé qu'ils étaient capables de faire du vin aussi bien qu'en France.
Il en est de même en France pour les guitares à cordes acier.
Il devient de plus en plus difficile de se procurer une Quéguiner compte tenu du délai d'attente de 30 mois à ce jour et pourtant, je ne peux que vous conseiller de patienter
pour en obtenir une car comme toute grande guitare qui se respecte, cette Jumbo Pan Coupé 2011 sera un vrai monstre de sonorités dans quelques années.
La qualité du travail réalisé par Alain Quéguiner assure à son propriétaire une durée de vie de l'instrument longue et sans mauvaises surprises.
Pour vous en convaincre, je vais enfin me décider à réaliser prochainement le banc d'essai de ma Jumbo Quéguiner de 1999 afin de mettre en évidence la maturité des
guitares d'Alain. Vous aurez alors la possibilité d'entendre une jeune et une vieille Quéguiner et d'en tirer les conclusions qui s'imposent.
Jacques Carbonneaux - Avril 2012
Banc d'essai : Jacques Carbonneaux
Photos : Noel Alfonsi
Guitarist Acoustic - Avril 2008
Quéguiner Studio Pan Coupé
- Style : Folk pan coupé forme Studio
- Largeur au sillet : 45 mm (43 mm en option sur notre modèle)
- Table : Sitka du Canada
- Dos et éclisses : Palissandre des Indes
- Manche : Acajou et érable ondé
- Touche : Ébène
- Chevalet : Palissandre de Rio
- Mécaniques : Gotoh 510 à boutons ébène
- Equipement électro à la demande (Fishman Matrix pour notre modèle)
La grande classe !
On ne présente plus Alain Quéguiner, dont la lutherie exceptionnelle, à la fois sobre, élégante et redoutablement efficace, a séduit les plus grands,
de Lenny Kravitz à Maxime Le Forestier.
La production d’Alain se répartit essentiellement en trois modèles :
Orchestra Modèle (d’inspiration Martin), Jumbo et Studio, modèle le plus personnel en termes de son et d’esthétique - objet de ce banc d’essai.
Jumbo/Studio
En créant son modèle Studio, Alain Quéguiner a voulu "s’affranchir des contraintes Martin", avec une construction proche du modèle OM (Orchestra Model),
tout en imposant sa propre esthétique.
Aussi bien, si on le compare avec son fameux modèle Jumbo, la caisse est-elle moins profonde, moins large et moins longue (2 cm de moins sur la table d’harmonie, 15 mm en profondeur,
et 2 cm en longueur), afin de privilégier l’équilibre sonore, première exigence dans le cahier des charges que s’est fixé le luthier.
Si le magnifique effet de ruche de la Jumbo a de quoi séduire en utilisation domestique, Alain a cherché ici à limiter l’emphase sur la corde de sol et la "tournerie dans le bas"
propre aux instruments de plus grandes dimensions, pour favoriser une utilisation professionnelle, notamment en configuration "prise de son" (d’où le nom du modèle).
Autre avantage de cette caisse plus petite, un confort accru lors de la prise en mains (selon la morphologie de chacun).
Credo esthétique
Pour l’heure, notre oeil a plutôt tendance à s’attarder sur les solutions toutes de raffinement et d’élégance convoquées par le luthier pour ajouter
l’équilibre des lignes et du dessin à celui de l’exigence sonore.
Prenons le manche, par exemple, constitué d’un collage d’acajou et d’érable ondé (pour en renforcer la densité, et donc améliorer le sustain) :
pas moins de neuf épaisseurs, dont deux séries de trois feuilles de 3/10ème de millimètre d’érable teinté (noir), s’harmonisant au passage avec
l’esthétique des filets de tête, des filets de touche et des bords de nacre de la caisse aux contours ici plus fins qu’à l’accoutumée : 1,2 mm contre 1,6 mm) !
Le credo esthétique du luthier s’affirme également dans la forme et la technique retenue pour le chevalet (ici en palissandre de Rio) :
l’absence de cheville est à la fois une marque d’élégance et un gage de sécurité pour l’instrument
(adieu les chevalets fendus ! - Quéguiner jugeant les chevilles décidément "primaires et anachroniques", le couple/tension demeurant par ailleurs le même).
Le motif des oiseaux (en repères de touche et décoration de tête) illustre enfin le goût et la cohérence s’appliquant à chaque chose, à l’harmonie des courbes
de la caisse cintrée comme au choix des essences (sitka du Canada, palissandre des Indes), à la sélection des matériaux (ainsi de l’ivoire fossilisé du sillet,
un "classique" de la lutherie haut de gamme) comme à l’attention portée au moindre détail (angle arrondi de la fileterie de caisse, en érable ondé).
Sensations inoubliables
L’équilibre sonore est donc ici de mise. Du reste, la prise en mains s’avère un régal, notamment grâce aux dimensions réduites de la caisse.
L’instrument fait immédiatement corps, et met d’emblée en confiance, par sa fiabilité exceptionnelle (confort, justesse, précision, facilité, plénitude).
L’ensemble du spectre se réveille, sans "angles morts" ni renoncements : pas de basses envahissantes, mais une remarquable présence, sur la totalité du registre.
Par son manche, ici assez étroit (à la demande), au profil idéal, aussi bien que par son architecture générale (forme, dimension, pan coupé),
ce modèle se destine peut-être naturellement davantage au jeu au médiator (ergonomie, rapidité des traits), qu’au fingerstyle (sans rien exclure toutefois).
A ce titre, signalons la qualité de la projection, douce ou plus agressive si l’on "envoie", conformément aux intentions de jeu, et la très large palette de nuances possibles en fonction de l’attaque
et du choix du médiator (épaisseur, matière) avec un instrument comme celui-ci, chaque détail compte !
Des rythmiques folk au jazz, de la largeur des accords ouverts à la subtilité d’un jeu arpégé, la Studio réagit avec bonheur à toutes sortes de stimulations, affichant sa polyvalence.
Mais c’est avant tout à travers la clarté et le respect des plans sonores, et le détaché des voicings, qu’on réalise pleinement "à qui" l’on a affaire,
l’instrument délivrant alors de très belles et inoubliables sensations.
Max Robin
ON AIME : le son, l’esthétique irréprochable.
ON REGRETTE : RAS !
NOTES SUR 10
- Lutherie : 10
- Confort de jeu : 10
- Son : 10
- Rapport qualité/prix : hors normes
Guitarist Acoustic - Avril 2008
Guitarist Acoustic - Octobre 2005
Quéguiner Jumbo Pan Coupé
- Plaque de tête : Palissandre de Rio
- Table : Épicéa Sitka
- Dos et éclisses : Palissandre Indien
- Manche : Acajou et érable
- Touche : Ébène, 23 cases
- Chevalet : Palissandre de Rio
- Mécaniques : Gotoh 510
Exceptionnelle !
PAS SI FACILE D’OBTENIR UNE QUÉGUINER EN BANC D’ESSAI TELLEMENT CEUX QUI ONT PASSÉ COMMANDE SONT IMPATIENTS D’OBTENIR L’OBJET DE LEUR RÊVE.
MERCI DONC À L’HEUREUX PROPRIÉTAIRE DE L’INSTRUMENT TESTÉ ICI DE NOUS L’AVOIR CONFIÉ.
Je suis embêté, mais alors là vraiment embêté.
Bon ! Nous sommes entre nous, alors je vous dit tout : je vous fais confiance, cela ne sera ni répété ni déformé.
J’ai connu Alain Quéguiner quand il a commencé à construire ses premières guitares (avec son complice Dominique Bouges), bien avant qu’il ne devienne
le luthier connu et reconnu qu’il est aujourd’hui.
La vie a fait qu’au fil du temps nous avons partagé des moments de grande joie, mais aussi de foutus
quarts d’heure dont nous nous serions bien passés. De plus, je lui dois probablement la majeure partie de mes modestes connaissances en lutherie.
Bref, nous sommes plus que proches. Ce qui n’enlève rien par ailleurs à l’amitié préciseuse dont m’honorent quelques autres grands talents de ce noble métier.
Mais Alain occupe une place à part (pour lever toute ambiguïté, il pourrait être un frère de plus, honni soit qui mal y pense!).
Alors vous pensez bien que pour moi, de base, faire la critique de son travail n’est pas choses aisée. Mais alors là, c'est le comble : je viens de découvrir une des meilleures guitares que j’ai
jamais jouées. Alors où est le problème, me direz vous.
C’est simple : il faudrait que tout ce que je vais écrire reste crédible. Et vu la qualité de l’instrument, ce n’est pas gagné.
Donc, j’ai décidé de m’offrir le luxe d’un article complètement subjectif, dithyrambique et démesuré. Vous voilà prévenus !
Une rare finesse
Cette guitare est magnifique. On ne se lasse pas de l’admirer. Le dessin de la silhouette est une réussite totale.
Les courbes généreuses du corps intègrent allégrement l’échancrure du pan coupé,
qui du coup ne cause aucun déséquilibre.
Le manche (14 cases hors caisse) est prolongé par une tête dont la forme permet aux cordes de ne subir qu’une très faible déviation au sillet, pour une tenue d’accord
accrue.
Là encore, le dessin est exemplaire (beaucoup se sont cassés les dents sur ce sujet particulier), en parfaite harmonie avec l’ensemble.
L’enchantement se poursuit quand on examine les détails. Le grain de la table, un sitka aux cernes larges (qu’affectionne tout particulièrement le luthier) merveilleusement maillé, est mis en valeur par un
vernis brillant naturel du plus bel effet. Les contours de la table et de la rosace sont soulignés par une incrustation d’abalone de premier choix.
Abalone que l’on retrouve aussi sur la touche en ébène, pour les repères en forme d’oiseau, ainsi que sur le palissandre de Rio de la tête, où l’on retrouve les oiseaux et le logo du luthier pour un décor
d’une rare finesse. Lequel luthier met un point d’honneur à ne mettre aucun morceau de plastique dans ses guitares.
Donc le chevalet, sans cheville, lui aussi en Rio supporte un sillet en ivoire (fossile rassurez-vous), et les filets de bords de caisse et de touche sont en érable ondé : effet garanti.
Et l’envers vaut l’endroit. Le manche est taillé dans un sandwich d’acajou et d’érable,
de telle façon que l’étroite bande blanche d’érable, bordée de fins filets, parcourt le dos du manche en son milieu de la tête jusqu’au pied du talon.
L’arrière du corps reçoit lui aussi une fileterie en érable ondé. Ne vous y trompez pas, il n’y a rien là de tapageur et de clinquant.
En fait, on a l’impression que chaque élément est soigneusement calculé pour donner à l’ensemble une forme d’élégance raffinée,
quasi aristocratique, qui pourrait tenir de l’évidence.
Le tout est bien sûr exécuté avec une maïtrise et une virtuosité sans faille, avec un souci du détail qui révèle une habileté hors norme.
Epoustouflante
Inutile de dire qu’on se saisit d’une telle guitare avec le plus profond respect. Et là l’enchantement se prolonge. Malgré sa taille jumbo relativement imposante, à aucun moment l’instrument ne paraït encombrant.
Le bras droit trouve naturellement sa position. Un manche de rêve vient se lover délicatement au creux de la main gauche. Très légèrement plus large qu’un manche standard (45 mm au sillet), portant des frettes jumbo, son profil légèrement aplati procure un confort fabuleux.
Jeux en accords ou "single notes", rien ne vient perturber même les inspirations les plus folles. D’autant que le pan coupé, la forme du talon et la volute en bout de touche permettent d’accéder à l’extrême
aigu sans problème. Un vrai régal.
C’est pour décrire le son, incroyable, que les mots me manquent. Selon l’aveu même du luthier, le barrage de la table est très inspiré des Martin vintage qui font rêver tant de guitaristes, avec un "X" allégé, mais remanié à la sauce Quéguiner.
De fait, le timbre s’apparente effectivement à ce type de sonorité ronde et profonde, mais avec tellement de grain, de chaleur, de clarté, de puissance et de définition en plus que cette guitare laisse ses
inspiratrice loin derrière, même les plus prestigieuses.
Les aigus brillants répondent à la rondeur des basses bien définies.
Les médiums donnent à l’ensemble une présence exceptionnelle.
Bref que du bonheur ! Alors pourquoi aller très loin et dépenser une fortune quand ce dont vous rêvez est là à portée de main, en mieux ?
Il faut maintenant que ça se sache : Alain Quéguiner est un grand parmi les grands, qui construit de très grandes guitares.
Conclusion
Voilà ! Dithyrambique et démesuré. Je vous avais prévenu. Seulement, je m’aperçois que je n’ai pas eu besoin de me forcer beaucoup.
Cette guitare est vraiment exceptionnelle, et si vous allez visiter le site www.alain-queguiner.com, vous verrez que je ne suis pas le seul à penser cela.
Les faits parlent d’eux mêmes : ceux qui ont opté pour ces guitares ne sont pas les moins connaisseurs.
D’autre part vous ne verrez pas beaucoup de "Quéguiner" d’occasion car les heureux possesseurs les gardent jalousement.
Sachez aussi, maintenant qu’il y a un peu de recul, que ces instruments vieillissent vraiment bien.
Alors ,au vu de tout cela, les 5500 euros que coûte cette guitare apparaissent presque comme une bonne affaire.
Joël Roulleau
Guitarist Acoustic - Octobre 2005
Guitar Part - Spécial Acoustique - Août 2001
Quéguiner Studio
- Table : Épicéa, barrage en X allégé
- Dos et éclisses : Palissandre des Indes
- Manche : Acajou - 14 cases hors caisse
- Touche : Ébène, 20 cases
- Chevalet : Palissandre de Rio
- Mécaniques : Gotoh 510 dorées
Lutherie
Le modèle "studio" proposé par Alain Quéguiner a une forme dérivée de la forme OM plus arrondie que l’on pourrait qualifier de mini-Jumbo.
Alain Quéguiner n’emploie que des essences soigneusement sélectionnées, comme on peut s’en rendre compte sur le modèle testé.
La table en Epicéa de Sitka est superbement maillée, le dos et les éclisses en palissandre des Indes massif présente un très beau veinage.
Le manche en Acajou du Brésil, profilé en U, n’est ni trop fin, ni trop épais. Juste ce qu’il faut de matière pour une bonne prise en main sans entraver les déplacements sur toute l’étendue du manche.
La touche est en ébène, le chevalet en palissandre de Rio, tout comme le placage de la tête.
Les mécaniques Gotoh, dorées avec boutons en ébène, fonctionnent à merveille, du haut de gamme.
Un filet d’Abalone vient orner le tour de table ainsi que la rosace et la jointure des deux pièces constituant le dos de la guitare.
La table et le dos sont cernés par un filet d’érable. Ces quelques raffinements n’enlèvent pas à cet instrument son aspect plutôt sobre mais ajoutent
simplement une touche d'élégance.
Est-il besoin de préciser que tout ce travail est absolument irréprochable jusque dans le plus petit détail ?
Le son
Peut-on rester objectif avec un tel instrument entre les mains ?
Je peux tenter d’évoquer la richesse harmonique sur toute l’étendue, la chaleur et la rondeur des basses, le soyeux des médiums, les aigus clairs, scintillants, perlants,
l’incroyable homogénéïté de cet instrument sur toute sa tessiture, la dynamique époustouflante, la clarté avec laquelle est restituée la polyphonie,
le sustain permettant un jeu d’une délicatesse extrème.
Tout cela est vrai, mais je suis tenté de dire, très subjectivement, que c’est peut être la plus belle guitare qu’il m’ait été donné de tester.
En résumé
Tout est dit !
Thomas Hammje
Guitar Part - Spécial Acoustique - Août 2001
Guitar Part - Spécial Acoustique - Août 2001
Quéguiner Super Jumbo
- Table : Épicéa
- Dos et éclisses : Érable ondé
- Manche : Érable ondé - profil V peu marqué
- Touche : Ébène, 20 cases
- Chevalet : Palissandre de Rio
- Mécaniques : Gotoh 510 chromées
Lutherie
Cette "Super Jumbo" est le plus gros modèle proposé par le luthier Alain Quéguiner.
La caisse est très ample, avec de belles formes rondes.
Un simple coup d’oeil permet de se rendre compte de la qualité des fournitures de bois utilisés.
La table en Epicéa de Sitka est superbe, avec un beau maillage signe d’une coupe parfaitement réalisée sur quartier.
Les éclisses et le dos sont d’un érable ondé absolument superbe.
On peut passer un bon bout de temps simplement à admirer les motifs et reflets chatoyants de cettes essence, bien mis en valeur par le vernis brillant.
Le léger dégradé brun (tabac) de la table s’harmonise parfaitement avec le ton de l’érable.
Le manche est réalisé en trois parties d’érable assemblées.
Outre l'aspect ésthétique très réussi, cette technique permet une stabilité encore accrue du manche.
La touche est en ébène garnie de frettes jumbo. Le chevalet est en palissandre de Rio, les cordes s’enfilant par derrière.
La tête de la guitare est plaquée de palissandre de Rio et décorée par un admirable travail d’incrustation réalisé avec diverses nacres de teintes
différentes (Abalone pour les verts, Mother of Pearl pour les blancs). Cette incrustation représente une danseuse semant des pétales.
Le dessin est admirable de finesse et d’élégance.
Comble du raffinement, les pétales se retrouvent sur la touche de la guitare servant de repères positionnés de façon décentrée.
La décoration est superbe mais sait rester assez discrète. La rosace et la table sont ornées d’un filet d’Abalone (aux tons intenses), la filetterie bordant table,
dos et touche est réalisée en érable ondé.
Tout cela est de très bon goût et parfaitement réalisé, ce qui nous donne un instrument admirable avant même d’avoir entendu les premiers sons.
Le son
Les premiers accords révèlent d’emblée une des caractéristiques principales de cet instrument : sa clarté.
Le son est très ample, avec des basses profondes et une bonne puissance mais à aucun moment le son n’apparait brouillé ou confus, même dans le bas médium,
la où d’autres guitares ont tendance à faire "tourner" le son.
Içi, les notes de chaque accord restent toujours parfaitement définies et claires, ce qui n’empêche pas cette guitare d’avoir un son très homogène sur toute l’étendue.
Le jeu au médiator est rendu avec une très grande précision, tant dans l’articulation que dans la dynamique excellente de cet instrument.
Le jeu au doigts permet des arpèges perlants, base idéale pour poser une belle voix.
En résumé
Un ravissement pour l’oeil comme pour l’oreille.
Cette guitare est absolument magnifique à tout point de vue.
Le savoir-faire et l’expérience réunis dans un instrument unique.
Thomas Hammje
Guitar Part - Spécial Acoustique - Août 2001
Guitare Magazine - Juillet 2000
Quéguiner Super Jumbo 12 Cordes
- Table : Épicéa de Stika
- Dos et éclisses : Palissandre de Rio
- Manche : Acajou
- Touche : Ébène
- Chevalet : Palissandre de Rio
- Mécaniques : Schaller à bain d’huile, boutons en ébène
Le compromis idéal
La douze-cordes est une guitare bien différente de la six.
La mode la met en avant ou l’éclipse, pourtant elle est toujours là. Mais une douze-cordes implique aussi des détails de fabrication qui nous échappent généralement, c’est pourquoi en même temps que nous testions la guitare, nous avons demandé à Alain Quéguiner de nous
en parler.
Comme toute guitare de luthier, celle-ci a été réalisée selon la demande du guitariste; c’est particulièrement vrai en ce qui concerne la finition.
Il s’agit d’un modèle Super Jumbo, donc assez large, mais avec des hanches bien marquées, ce qui facilite la prise en main.
Même s’il fabrique plus de six-cordes que de douze, Alain Quéguiner connaît très bien les problèmes inhérents aux douze-cordes puisqu’il a appris la
lutherie avec Bozo Podunavac, luthier américain d’origine Yougoslave considéré comme LE spécialiste mondial de la douze-cordes.
Il a travaillé pour Léo Kottke, John Fahey ou le révérend Gary Davis. Il a même construit une douze-cordes pour Doc Watson.
"Il m’a appris à tout surdimensionner sur une douze-cordes" nous confie Alain.
"Je n’aime pas trop l’esthétique de ses guitares un peu 'massives', mais ses principes sont applicables à d’autres modèles et ils sont efficaces.
Pour ma part, j’ai essayé de réduire les éléments qui ne paraissent pas essentiels".
La table de cette Super Jumbo est en épicéa de Sitka, le corps en palissandre de Rio et le manche en acajou.
La touche est en ébène, le placage de tête et le chevalet sont également en palissandre de Rio.
Il s’agit bien sûr d’essences de très grande qualité mais, en plus, elles ont été spécialement sélectionnées pour ce modèle.
Alain Quéguiner considère que c’est l’instrument le plus dur à fabriquer car il faut trouver le juste équilibre entre souplesse, comme pour toute guitare,
et fiabilité mécanique.
"La tension des cordes est proche des 120 kilos, il faut donc que la guitare et la table particulièrement puissent résister, maintenant, mais aussi dans le temps.
En effet, il arrive qu’avec le temps, la table gonfle; elle devient alors injouable dans les cases aiguës car alors l’action est trop haute.
Il faut ensuite décoller le manche pour retravailler le renversement, c’est à dire l’angle formé par la table et la touche.
Cette guitare est neuve et il est sûr que dans six mois, il faudra retoucher la hauteur des cordes car les bois auront travaillé, mais c’est prévu, le sillet est assez haut, il n’y aura donc aucun problème.
C’est quelque chose qui se produit sur toutes les guitares mais c’est encore plus flagrant sur une douze-cordes".
On peut noter que les deux sillets (de tête et de chevalet) sont réalisés en ivoire de mammouth fossilisé.
La table
Les fibres de la table en épicéa de Sitka sont bien rectilignes mais disposent d’un espacement assez moyen.
Evidemment, cela est à mettre en étroite relation avec le barrage puisque tous deux travaillent de concert pour assurer fiabilité et sonorité.
"J’ai choisi la table en fonction de sa rigidité. Lorsque j’ai commencé à construire cette guitare, j’avais une dizaine de tables qui étaient déjà
jointées, j’ai pris la plus rigide. De la rigidité, mais sans exagération quand même, les fibres ne sont pas à un demi-millimètre comme en classique par exemple.
Sur les douze-cordes, je mets un peu plus de voûte (c’est-à-dire le galbe de la table) que sur les six.
C'est une chose que j'ai apprise avec Bozo et ça a fait ses preuves.
Le barrage est en X, pas allégé évidemment, il est plus haut que sur une six-cordes et les barres descendent un peu plus sur les éclisses.
Il y a également une barre de plus derrière le chevalet et qui va pratiquement jusqu’au tasseau inférieur, afin de ne pas laisser une surface trop grande dont la vibration ne
serait pas maûtrisée.
Cette barre, moins haute que les deux autres, est une nécessitée par le fait qu’il s’agit d’une douze-cordes et que la table est très large, là encore dans un
souci de rigidité et de fiabilité mécanique.
La conséquence de tout cela, c’est que la guitare va mettre un peu plus longtemps à se faire, surtout au niveau des basses, elle va s’ouvrir dans les six mois alors qu’il ne
faut qu’un mois ou deux pour une six.
Pour ces dernières, en un mois, on voit déjà la table monter légèrement, après elle se bonifie réellement. Pour ce qui est des éclisses et du dos,
la construction est identique à celle d’une six cordes."
Les décorations
"Le guitariste m’a amené une photo d’un aigle issu d’un livre sur les Indiens pour décorer la tête.
Je l’ai retravaillé pour en faire un dessin. Ensuite, je l’ai réalisé en plusieurs variétés de nacre, il y a de la grise, de la Mother-of-Pearl, de l’abalone, etc.
En revanche, pour les pattes et le bec, j’ai dû teinter afin d’obtenir ce jaune.
Pour que la décoration soit cohérente, j’ai fait des plumes d’aigles en guise de repères de touche, ils sont en nacre grise tahitienne gravée.
On les retrouve également sur le chevalet.
Je trouve intéressant lorsqu’on fait une décoration personnalisée d’aller jusqu’au bout de l’idée.
Ainsi, il n’aurait pas été concevable de mettre des repères de touche ronds par exemple."
Outre ces détails, la décoration est très riche puisque le tour de table et la rosace sont en abalone.
Il y a aussi un retour de touche et un tour de tête dans la même matière, la table étant en plus bordée d’un filet en érable ondé.
Les mécaniques sont des Schaller à bain d’huile, elles comportent des boutons en ébène.
Le manche est en acajou, la touche en ébène.
A cause des problèmes de rigidité, on s’attend à avoir un manche plutôt épais, or il n’en est rien.
Son profil est en U, assez fin, un peu large certes, mais il faut bien assurer les douze-cordes.
Concernant la stabilité, il y a une tige de renfort, mais c’est encore une fois le choix du bois qui permet d’être confiant en l’avenir.
"L’acajou utilisé est coupé sur quartier, complètement."
La coupe sur quartier signifie que le bois est coupé de l’écorce vers le centre avec un trait de scie perpendiculaire aux anneaux.
"Quand on choisit un bois coupé sur quartier, la rigidité est sans commune mesure avec un bois coupé autrement. Il ya aussi un choix car tous les morceaux ne peuvent pas physiquement
être pile sur quartier. S’il y a une petite déviation, cela ne pose pas de problème pour une six-cordes.
En revanche, je mets de côté les morceaux qui sont bien au centre pour construire les douze-cordes. C’est très rigide, au point que pour l’instant, la tige de renfort
n’est quasiment pas serrée."
La sonorité
"Il est facile de faire une douze-cordes qui ne bouge jamais mais elle ne va pas bien sonner.
Tous les luthiers cherchent à se placer juste au-dessus de la limite de déformation, c’est là qu’elle est à son maximum. Une six-cordes va pouvoir supporter plus de
souplesse mais une douze-cordes, non.
Ca sera une catastrophe si elle a été calculée en dessous de la résistance.
Il y a des marques très connues, avec une bonne réputation en matière de douze-cordes, que je vois régulièrement pour réparation. Elles sont si fragiles qu’on
voit les barres, on les sent sous la table."
La sonorité est très précise sur cette guitare, elle offre une très grande richesse harmonique et beaucoup de dynamique.
Les aigus sont cristallins, les basses sont déjà très profondes. On remarque également que le son est très homogène, tout en restant défini.
Ainsi, les doubles cordes forment un son et pas deux notes; en revanche lors d’un accord, on entend toutes les notes.
D'après Alain, ceci s’explique :" S’il n'y avait pas toutes ces barres, le son serait moins précis. C’est le juste équilibre qui permet d’atteindre cela, la table est
rigide mais juste ce qu'il faut. Plus rigide, on perdrait la chaleur et l’ampleur; moins, on perdrait la précision.
Sur une guitare avec seulement deux barres très hautes, on perdrait toute la sensibilité, même si elle ne bouge pas forcément. En vieillissant, cette guitare gardera cette
qualité de timbre mais tout le volume va se développer."
La guitare est également équipée d’une électronique Fishman Matrix avec un préampli dénué de réglages inclus dans la caisse.
On y retrouve les caractéristiques acoustiques de la guitare; si l’on souhaite apporter des modifications tonales, il suffira de le faire au niveau de l’ampli.
Cette guitare n’est certes pas pour le premier venu, mais elle allie une sonorité exceptionnelle avec une grande sensibilité qui permettra au guitariste de disposer de toute une
palette d'expressions. Quand on joue sur un tel instrument, on s’apercoit que la douze est loin d’être d’un usage aussi limité qu’on aurait pu le penser a priori.
Carmine Ghersi
Guitare Magazine - Juillet 2000
Guitares et Claviers - Juillet 1999
Quéguiner Jumbo Custom
A ne pas mettre entre toutes les mains
Lorsqu’on arrive à un certain stade de qualité, une bonne guitare acoustique ne peut être construite que par un luthier, même si celui-ci appartient à une marque.
Pour parler d’un tel instrument, on est tenté de remplacer les qualificatifs par des superlatifs !
Fabrication exemplaire
Confort de jeu
Homogénéité de la sonorité sur toute la tessiture
Délicatesse des notes
Polyvalence
Excellent rapport qualité / prix
On a tendance a penser qu’un luthier ne fabrique que des instruments sur mesure. C’est un peu vrai mais pas tout a fait.
En effet, cette guitare par exemple est construite sur la base d’un modèle parfaitement défini et affiné au fil des ans, ensuite les choix du propriétaire se sont
révélés sur des détails que l’on pourrait presque considérer comme optionnels.
Ainsi, celui-ci bénéficie de l’expérience et du savoir-faire qui ont mené le luthier à obtenir une telle qualité sonore. Il profite également d’un
instrument adapté à ses besoins et d’une décoration qu il a choisie.
La réputation d’Alain Quéguiner n’est plus à faire. Il fait sans doute partie des meilleurs luthiers au monde; nous en avons d’ailleurs la preuve entre les mains.
Comme son nom l’indique, cette guitare est de forme jumbo. La prise en main est très confortable, la guitare s’inscrit parfaitement sur la cuisse du guitariste laissant les mains tomber
naturellement au bon endroit. L’absence de pan coupé ne facilite pas l’accès aux aigus, mais il s’agit là d’un choix délibéré, on peut
très bien opter pour une échancrure si son jeu le justifie.
D’une manière générale, on remarque une finition hors pair, une étude attentive ne révèle pas le moindre défaut, la décoration est riche mais
reste délicate et ne bascule absolument pas dans le tape-à-l’oeil. On est en présence d’un haut de gamme.
Mariages
Pour construire une bonne guitare acoustique, il ne suffit pas de choisir de bons bois... Ça aide, mais l’art du luthier consiste à travailler les différentes pièces de
manière à ce qu'elles donnent le meilleur.
Le dos et les éclisses, bordés par des filets en érable ondé, sont réalisés dans un palissandre des Indes, massif comme tout le reste de la guitare, joliment veiné
mais sans excès.
La jonction entre les deux parties du dos est agrémentée d'un filet en abalone. On retrouve ce filet autour de la table. La table en épicéa de Sitka est bien maillée.
Elle montre des fibres relativement espacées mais rectilignes et régulières. En effet, contrairement à ce qui se pratique avec les modèles de série (même haut de gamme),
Quéguiner adapte l’épaisseur aux caractéristiques de la pièce de bois qui va former la table. L’épaisseur n’est donc pas obligatoirement uniforme.
Elle répond à de nombreux paramètres dont les qualités du bois, la sonorité que l’on souhaite obtenir et la souplesse. Le barrage en X est allégé, et lui
aussi a été adapté aux caractéristiques de la table.
Le manche collé est réalisé en acajou du Brésil, son profil est agréable en toutes positions.
La touche en ébène des Indes est artistiquemement décorée de repères en abalone qui représentent des oiseaux, elle est bordée d’un filet en érable ondé.
Les vingt frettes sont des jumbos dont la finition est remarquable.
Le chevalet en palissandre de Rio reprend le dessin cher à Quéguiner, les cordes ne sont pas maintenues par des chevilles mais traversent le chevalet, on évite ainsi tout risque de fendillement.
Les sillets de tête et de chevalet sont réalisés en ivoire de mammouth.
Côté mécaniques, on trouve des Gotoh 510 dorées munies de boutons en ébène.
Le vernis est de type cellulosique, il est parfaitement réalisé et protège sans donner l’impression d’être épais.
Un équilibre remarquable
Tout le spectre de cette guitare montre les mêmes qualités, on ne trouve aucune note "morte". Ça n’a l’air de rien mais c’est réellement exceptionnel !
L’équilibre entre les différentes bandes de fréquences est parfaitement réussi, mais en plus la sonorité est homogène d’un bout à l’autre de la tessiture.
Ainsi, le passage des graves aux médiums par exemple est totalement progressif.
On peut donc obtenir une continuité dans les phrasés qui donne de la liberté au guitariste.
Les notes sont toutes très précises, quelle que soit la technique employée. Mais là où généralement cette précision apporte une certaine froideur,
lors d’un jeu en accord par exemple, on la ressent ici plus comme de la délicatesse, comme une sorte de perfection tranquille. Le sustain est magnifique et il concerne toutes les notes.
Dans l’ensemble, la sonorité de la guitare montre une certaine personnalité mais qui reste en retrait par rapport à ce que le guitariste va insuffler.
Ça a l’avantage de laisser une liberté d’interprétation totale, en revanche, d’aucuns pourront regretter de ne pas être "emportés" par l'instrument.
Le jeu du guitariste va imprimer sa marque à la sonorité, on pourra donc être tour à tour d’une douceur extrême ou plein de punch, la finesse du rendu étant
l’un des principaux atouts de cette guitare. Le jeu en accords s’accommode autant des rythmiques façon folk boom que des arpèges égrenés lentement.
Avec un peu d’habitude, on peut passer sans problème de l’un à l’autre au sein d’une même partie.
Le jeu en finger-picking permet de mélanger habilement le mordant des basses avec la souplesse des aigus, le tout baigné dans un délicat tapis de médiums.
Pour ce qui est du solo, mis à part les restrictions relatives à l’absence de pan coupé, tout est permis, partout!
On peut jouer vite ou laisser résonner les notes, dans les graves, les médiums, les aigus. Ce n’est plus une guitare avec laquelle il faut composer mais le prolongement du guitariste.
Pour profiter au mieux des qualités de cet instrument, il importe de posséder déjà une bonne technique.
Un capteur, pas un piézo
Alain Quéguiner met un point d’honneur à offrir le choix le plus large possible en ce qui concerne l’électronique, il va de soi qu’il s’agit là d'une option.
Elle est néanmoins intéressante ici car elle utilise un capteur non importé en France le B-Band, fabriqué en Finlande.
Il s’agit d’un capteur qui se pose sous le sillet de chevalet mais ce n’est pas un cristal piézo-électrique.
Ce capteur fonctionne comme un micro à condensateur, il est réalisé dans un film élastique qui joue le rôle d’électret et fournit une tension lorsqu’il
est soumis à une force mécanique ou acoustique.
Le signal est envoyé à un préampli situé à l’intérieur de la guitare, au niveau du bouton attache-courroie, ce dernier servant également de jack de sortie.
Le montage de cette guitare fait également appel à un microphone placé à l’intérieur de la caisse, la sortie se fait sur le même jack mais sur un autre canal,
il faut donc deux amplis, ou au moins deux entrées pour mixer.
La sonorité fine et claire reproduit bien le grain acoustique de l’instrument. On se trouve en présence d’un très bon système de reproduction,
parfaitement adapté aux caractéristiques de la guitare acoustique, on ne peut cependant pas dire qu’il surclasse les meilleures réalisations du genre.
En fait, il s’agit plutôt d’un choix personnel, la sonorité n’étant pas tout à fait la même. Les qualités sont là néanmoins transparence,
fidélité, clarté et respect de la dynamique.
Aucun réglage n’est accessible sur l’instrument, mais il s’agit là encore d’un choix du guitariste car il existe un préampli avec égalisation à deux
bandes qui se fixe sur l’éclisse.
Et le prix ?
Bien sûr, vous avez regardé le prix et vous avez failli vous évanouir...
En effet, à l’heure où l’on vante les qualités des guitares à 3 000 francs, débourser une telle somme semble déraisonnable. Mais il faut pourtant comparer ce
qui est comparable...
Cette Quéguiner est de la trempe des Taylor Presentation ou des Shoenberg. Elle est au-dessus des Martin 45. Et toutes ces guitares atteignent des prix qui flirtent avec les 50 000 francs.
Et si on y regarde de plus près, on s’aperçoit que c’est plus que justifié. Sans compter la personnalisation de l’instrument et sans même augurer de la merveille
que cette guitare pourra être dans quelques années si elle est bien jouée...
Carmine Ghersi
Guitares et Claviers - Juillet 1999
Guitares et Basses - Septembre 1999
Quéguiner Jumbo 9906
- Table : Épicéa de Sitka, barrage en "X" allégé
- Dos et éclisses : Palissandre Indien
- Manche : Acajou du Brésil
- Touche : Ébène
- Chevalet : Palissandre de Rio
- Mécaniques : Gotoh 510 dorées, boutons en ébène
Découverte
Découvrir une belle guitare est toujours un moment plein d’émotion, mais cette fois, cela atteint des sommets.
À l’ouverture de l’étui, cette merveille vous apparaît comme un bijou précieux dans son écrin, d’une beauté a couper le souffle.
L’ensemble, puis chaque partie, chaque détail, séduisent le regard, forcent l’admiration. On se surprend à contempler l’instrument un long moment, avant de
s’en saisir avec précaution.
La silhouette de cette jumbo ne correspond à aucun standard, et pourtant nous semble familière, signe que le dessin est une réussite, harmonieux, élégant et racé.
Ce qui frappe d'abord, c’est la beauté de la table taillée dans un sitka exceptionnel, aux cernes larges et réguliers, superbement maillé, elle est mise en valeur par un
vernis brillant légèrement teinté d’une subtile nuance "vintage".
La finesse de la filetterie en nacre (rosace et bord de caisse) et l’absence de plaque de protection ajoutent encore à sa majesté. La tête pourrait être à elle seule
une oeuvre d'art. Dessin original bien sûr, le mariage des divers éléments est un exemple de classe et d’harmonie.
Sur un fond en placage de Rio d’une belle nuance fauve, bordé d’une subtile filetterie de nacre et d’érable, se détachent le logo du luthier et deux oiseaux
découpés dans deux variétés d’abalone différentes. Effet garanti.
La dorure des mécaniques ajoute encore, si besoin était, à la préciosité de l'ensemble. L’exécution en est époustouflante, témoigne de la
virtuosité du luthier. On retrouve les oiseaux de nacre en guise de repères sur la touche en ébène bordée d’un filet d’érable masquant le pied des frettes.
L’ensemble de la guitare est à l’avenant. Même une revue de détail minutieuse ne révèle aucun défaut.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce magnifique objet est avant tout un instrument de musique. Et dès les premières notes c’est au tour des oreilles d’être subjuguées.
Le son est incroyable. Le timbre est charpenté, généreux et subtil.
Les graves épais et puissants ne roulent pas, mais restent étonnament précis. Les aigus sont pleins, timbrés, présents, et cela jusqu’en haut de la touche,
d’une telle qualité qu’on se prend à regretter l’absence d’un pan coupé.
L’équilibre est parfait sur tout le spectre, la puissance, la projection, le sustain décoiffent vraiment. De plus, l'instrument a du tempérament, il supporte les traitements musclés
sans broncher, mais sait aussi répondre aux caresses, montrant une dynamique fabuleuse.
C’est un tel enchantement qu’on en oublierait presque un confort de jeu qui n’a rien à envier à l’esthétique, en particulier grâce aux frettes jumbo reprises très bas
sur la touche.
Si l’on devait déposer une "guitare étalon" au pavillon de Breteuil, elle serait sans doute bien proche de celle-là.
Cette guitare n’a que quelques jours mais elle enterre déjà allégrement des "vintage" prestigieuses même exceptionnelles. Cela promet !
Lutherie d’art ? Travail d’orfèvre ? Les superlatifs manquent.
Et si vous pensez que tout cela est exagéré, voire "bidonné", allez vérifier par vous-même, vous ne serez pas déçus.
Merci à l’heureux propriétaire de cette pure merveille d’avoir consenti à s’en séparer et à nous la confier pour quelques heures.
Bilan
Pour : Un instrument exceptionnel à tout point de vue.
Contre : La rendre est un déchirement.
Guitares et Basses - Septembre 1999